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L'ACTU défense
jeudi 8 juin 2023
Scaf : pourquoi les déclarations du PDG de Dassault Aviation provoquent un tollé en Belgique
vignettePar Pascal Samama
Journaliste BFM Business
Tollé en Belgique après les déclarations d’Éric Trappier, PDG de Dassault, qui s’oppose à la participation des industriels belges dans le programme Scaf qui remettrait en cause le calendrier et ouvrirait la porte à un pays partenaire et client F-35.
Lors d’une audition au Sénat, Éric Trappier, PDG de Dassault Aviation, a assuré qu’il n’était pas favorable à élargir le programme Scaf (système de combat aérien du futur) à d’autres pays comme l'a évoqué le ministre des Armées Sébastien Lecornu et avant lui Florence Parly, sa prédécesseure. Mais cette fois, le message s’adresse à la Belgique qui voudrait rejoindre le trio composé de la France, l’Allemagne et l’Espagne.

«J'entends dire qu'on pourrait donner du travail aux sociétés belges tout de suite. Non. Si on me l'impose, je me battrai. Mais je ne vois pas pourquoi je donnerais du travail aux Belges aujourd'hui», a déclaré Éric Trappier en réponse à un sénateur qui évoquait un élargissement du programme lancé avec l’Allemagne et l’Espagne.

Pour le patron de Dassault, les négociations à trois ont déjà été difficiles pour arriver à un accord sur la répartition des tâches. Un nouveau partenaire ne pourrait que compliquer et retarder le programme. «On fait la phase 1B, on obtient un contrat phase 2 (pour le démonstrateur) avec les mêmes».
 
 
 
 
Éric Trappier aborde aussi le sujet qui fâche : le F-35. Il rappelle qu’en 2018 la Belgique, comme d’autres pays européens, a fait le choix du chasseur américain de Lockheed Martin au détriment d’un appareil européen, le Rafale ou l’Eurofighter. «Mettre plus de pays qui ont fait ce choix, je ne vois pas bien la logique», a-t-il déclaré en faisant référence à l’Allemagne qui a aussi signé pour des F-35 après le lancement du programme Scaf.

« Mépris », « revanche » et « couac »

En Belgique, ces déclarations ont déclenché une vive polémique. Dans la presse, les titres ont évoqué du «mépris», une «revanche», un «couac», voire une «crise diplomatique». Sur Twitter, le général-major Marc Thys vice-chef de la Défense belge, estime que les propos d’Eric Trappier «mettent en doute la crédibilité française pour une construction d'une défense européenne».

Interrogée par des journalistes, la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, qui avec les industriels, plaide depuis des années sur la participation de la Belgique dans le programme Scaf, ne se dit «pas étonnée» et que «ce genre de déclaration a bloqué pendant des années l’Europe de la Défense».

Ludivine Dedonder met en avant les compétences de ses entreprises de l’aéronautique et son ambition de «pas rentrer dans un tel projet pour avoir des miettes, mais pour apporter une plus-value».

Cette «plus-value» ne pourrait s’obtenir qu’en participant au développement du projet et pas en étant un simple sous-traitant. Les industriels belges, notamment BeLightning (joint-venture composée d'Asco Industries, Sabca et Sonaca), en ont déjà fait l’expérience avec le F-35.  Leur participation à la production de l’appareil américain n’a rapporté que 700 millions d’euros au lieu des 3,69 milliards d’euros promis par l’ancien ministre de l’Economie Kris Peeters, soit moins de 20% du montant espéré. Ce manque à gagner provient de la non-participation de Bruxelles en 2000.

« Idéologie anti-française »

En 2020, Thibauld Jongen, PDG de la SABCA, rappelait cette erreur dans le titre économique belge, L’Echo. Il appelle à ne pas répéter «l’erreur commise il y a une vingtaine d’années avec le F-35 », prévenait-il en proposant une entrée dans le programme Tempest (Royaume-Uni, Italie, Japon) ou dans le Scaf.

Dans Le Vif, un édito accable le gouvernement belge pour son « manque de clairvoyance » en ratant « par incurie » le partenariat avec le F-35 et en refusant « par idéologie anti-française » de l’offre industrielle sur le Rafale avec 20 milliards d’euros de retombées pour l’industrie.

La Belgique aura-t-elle une place dans le Scaf ? Ce sera aux gouvernements français, allemands et espagnols d’en décider. Si cet élargissement se fait, lequel des trois pays cédera de ce qu’il a obtenu pour le donner à ce nouvel entrant ? Il faudrait renégocier le partage des tâches avec le risque de retarder le programme dont le calendrier, qui vise 2040, est déjà serré. Il faudra aussi que Bruxelles s’engage à acheter le futur chasseur européen au risque de froisser Lockheed Martin qui a promis d’aider les Belges à mieux profiter des retombées du méga-contrat d'achat de 34 F-35. 

Les trois pays partenaires du Scaf feront-ils pression sur Dassault et Airbus pour alléger la facture dont le montant pourrait approcher les 100 milliards d’euros dans une période où les budgets militaires sont sous pression depuis la guerre en Ukraine et les craintes d’un conflit majeur ?
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